Croisière sur le delta de l'Amazone

Publié le par Iri & Vinny

Aujourd'hui mardi 20 décembre, nous sommes zen. Notre voiture a été embarquée cette nuit à marée haute, pendant que nous dormions d'un sommeil profond. Hier à 16h lors de la visite du bateau, nous étions à marée basse et deux planches en bois relient le bateau au quai. Le quai n'étant pas flottant, il est impossible de faire entrer la Terios avec une pente supérieure à 15°. C'est au pic de la marée haute, à 4h du matin, que cette opération a pu être réalisée.

Après un café da manha, nous tentons de faire un peu de shopping au centre de Belém. Les magasins sont nombreux, mais les articles sont rangés pêle-mêle et existent souvent en exemplaire unique. La qualité varie énormément d'un article à l'autre. Beaucoup de vêtements en matière synthétique, mais parfois on tombe sur une perle d'un textile incroyablement doux et agréable, en viscose ou en coton. Trouver un article qui va tant en design qu'en taille est autant difficile que de trouver une aiguille dans une botte de foin. En fait, il faut du temps, et nous n'en avons pas. Notre course pour arriver sur Kourou pour Nöel est en flux tendu suite à nos petits contre-temps. Nous trouvons néanmoins un T-shirt aux couleurs du Brésil pour Irène, et pour moi un maillot de foot du Chapcoense, l'équipe victime d'un crash aérien il y a quelques semaines en se rendant à la finale de la Copa America. Nous embarquons à 10h45 et constatons que la Terios est bien à bord. Nous sommes les seuls étrangers sur le navire. Nous avons pris un billet en classe « hamac ». Celui en cabine était de 550 Reals et nous sommes motivés de réaliser ces 24 heures de navigation comme les Brésiliens. En arrivant aux étages-dortoir, nous constatons avec surprise qu'il y a déjà au moins 150 hamacs installés par étage. Nous finissons par trouver deux petites places au 2ème étage, mais non côte à côte, et c'est très étroit. Puis nous trouvons deux chaises en plastique et nous installons à l'arrière du bateau. Nous quittons le port à l'heure. Des dauphins sotalie viennent saluer le départ du navire. Lorsque la musique brésilienne en vogue du moment commence à retentir dans les hauts-parleurs du bar, une ambiance joyeuse et festive s'installe et on acquiert la certitude qu'on va passer des moments inoubliables à bord du « Breno ».

Good bye Belém

Good bye Belém

Ledit navire comporte 3 étages. Sur le premier pont (soit le rez-de-chaussée du navire) il y a les voitures et autres marchandises, la cuisine et la salle à manger, aux deux étages suivants, les dortoirs et un bar. Le 3ème étage est une grande terrasse permettant d'avoir une vue à 360° sur l'horizon. Quatre personnes s'installent devant nous et sortent des dominos. Ils jouent par équipe de deux. La première équipe à 5 victoires est victorieuse et la paire de perdants laisse sa place à une nouvelle paire de challengers. Un peu plus tard, on entre en discussion avec un Brésilien naturalisé Français, habitant en Métropole et venu rendre visite à sa famille à Belém et Macapa. Nous parlons avec lui du portugais du Brésil comparé au portugais du Portugal. Il nous explique que le portugais du Brésil est une langue beaucoup plus chantante, vivante et subtile que celui du Portugal. Les Brésiliens amoureux composent des chansons ou poèmes pour leur dulcinée en utilisant beaucoup de métaphores. Ils sont très contents lorsqu'on fait l'effort de parler leur langue, ce que nous avons déjà remarqué. On aborde le sujet des dominos et s'enquiert s'il y a de la stratégie dans ce jeu (qui selon nos souvenirs était un jeu très simple que l'on jouait étant gamin). La réponse de notre homme durera 20 minutes, avec un déferlement d'informations pointues sur le comptage des « pierres », les tactiques d'équipe, les méthodes de blocage de l'adversaire, etc... Il s'agit donc d'un jeu complexe auquel le novice n'aurait aucune chance. Nous ne nous sommes pas lancés dans la compétition, bien qu'y ayant été invités. Nous nous contentons, enfin surtout moi, de regarder ce jeu et toute l'énergie mise par les joueurs pour célébrer chaque pierre posée.

 

L'annonce du repas du soir retentit dans les hauts-parleurs. N'ayant pas mangé grand chose de la journée, nous ne tardons pas à rejoindre la cantine. Au menu, poulet ou tranches de boeuf avec riz, spaghetti et salade et haricots en sauce en option (soit le plat standard du Brésil). La salle à manger ayant une capacité de 20 personnes, il faut défiler rapidement étant donné que nous sommes apparemment plus de 300 sur ce bateau.

Vers 18h30, de nombreux bateaux ont amarré le « Breno ». Ils déchargent leur marchandise sur le navire. Il s'agit essentiellement de paniers d'osiers d'une capacité de 50 litres remplis de baies d'açai. Les paniers circulent par chaînes humaines et sont méticuleusement empilés sur le premier pont, à côté des voitures. Ce fruit de palmier n'est pas vraiment consommable dans son état cru (testé). Il est acheminé à Macapa pour y être transformé, puis exporté à l'étranger. C'est un produit miracle, riche en vitamine C et nombreux autres nutriments. Il est notamment utilisé dans la préparation de boissons énergisantes, de produits cosmétiques et compléments alimentaires. Ce spectacle est accompagné d'un magnifique coucher de soleil rendant l'ambiance magique.

Croisière sur le delta de l'Amazone
Croisière sur le delta de l'Amazone
Croisière sur le delta de l'Amazone

Il n'y a aucun énervement dans cette opération et le travail d'équipe est rôdé et très performant. Quelques femmes et enfants en pirogue sont présents pour regarder les hommes travailler. Nous sommes ébahis par cette organisation optimale rondement menée, ce peuple brésilien de manière générale pauvre, mais paraissant tellement riche de par son fonctionnement collectif et son entraide. Un autre exemple extraordinaire de l'organisation brésilienne est l'utilisation optimale de l'espace pour installer les hamacs. Tantôt en quinconce, puis à différentes altitudes, chaque personne n'a pas plus d'un mètre carré de surface de vie. Et encore... Une fois les personnes couchées, de par les mouvements de bateau, les hamacs se balancent et les corps s'entrechoquent.

Dans la boîte à sardines

Dans la boîte à sardines

Personne ne se promène avec ses affaires personnelles. Tout est entreposé sous les hamacs et apparemment il y a une confiance mutuelle. On dirait qu'il existe un pacte tacite d'évitement de tout problème entre tous les passagers ; on dirait aussi que tout le monde veille avec bienveillance sur tout le monde. Nous avons du reste laissé nos valeurs sans surveillance pendant une durée assez longue (comme par exemple notre i-pad en charge suspendu au plafond qui a une valeur avoisinant le salaire moyen au Brésil). Inconscience versus confiance, c'est le résultat qui fait la différence. De retour à la terrasse géante du 3ème étage, nous voyons au loin des éclairs illuminant le ciel nocturne. Il faut beaucoup de patience pour les immortaliser.

 

Durant toute la journée, nous passions à côté d'un homme assis sur une chaise à 10 mètres de notre voiture. Nous pensions qu'il s'agissait d'un gardien. Mais non, nous avons découvert qu'il a un petit chien qu'il devrait théoriquement garder dans sa cage qui est manifestement trop petite. Alors il le libère et le cache sous une couverture à côté de lui. L'homme est âgé et semble très attaché à ce chien, comme si c'était l'être le plus important de sa vie.

Le petit chien et la cargaison d'açai

Le petit chien et la cargaison d'açai

Comme nous ne sommes pas encore équipés de cette aptitude à dormir collés à des inconnus, nous décidons de dormir dans la voiture. Les portières étant indisponibles, il y a environ 3.5 cm entre les voitures, et nous préparons notre couche via le coffre qui lui heureusement est resté dégagé. Notre voiture étant parquée le long de la rambarde et dans le sens de déplacement, nous avons à disposition une loge privative avec une vue extraordinaire. 22H extinction des feux. Peut-être que les joueurs de dominos continuent à la lampe de poche. Nous passons une magnifique nuit calme et reposante.

La Terios expérimente elle aussi la promiscuité

La Terios expérimente elle aussi la promiscuité

Le bateau a commencé son trajet à Belém sur le fleuve Anapu, et s'est enfoncé dans le dédale des bras de ce fleuve, qui rejoignent le delta de l'Amazone. Mercredi matin, c'est ce dernier fleuve que nous découvrons. Bon, on ne peut pas dire qu'on voie une différence fondamentale avec le Kourou ou le Maroni, si ce n'est par moments l'éloignement des rives, mais c'est quand même grisant de se dire qu'on est en train de naviguer sur le plus grand fleuve du monde.

Atmosphère amazonienne
Atmosphère amazonienne
Atmosphère amazonienne

Atmosphère amazonienne

Le café de manha est servi à partir de 6h00. Du tapioca au lait sucré, aromatisé avec une touche de cannelle, connaît un franc succès auprès des Brésiliens. Le « almorço » est servi à partir de 10h30 déjà et ressemble à s'y méprendre au dîner de la veille. On fait encore quelques rencontres, dont un mécanicien qui a vécu à Kourou plusieurs années, un avocat, deux petites filles qui s'introduisent dans notre voiture pendant que nous sommes en train d'écrire, fascinées que nous parlions le français, nous enseignent le portugais et veulent apprendre le français, et voudraient voyager avec nous jusqu'en Guyane, mais malheureusement leurs grand-mères ne seraient pas d'accord...

Nous arrivons au port de Santana, situé à une vingtaine de km de Macapa, vers 14h00, soit 3 heures plus tard que prévu.

Le déchargement du bateau commence. Nous devons patienter quelque peu avant qu'une équipe d'hommes viennent dégager les 4 voitures collées les unes contre les autres devant le chargement d'açai. On se demandait par quel tour de magie ils allaient opérer, nous obtenons la réponse : ils balancent les voiture d'un côté à l'autre jusqu'à pouvoir les pousser latéralement, obtenant l'espace nécessaire pour que la voiture puisse être conduite hors du bateau.

Nous payons une taxe de débarquement de 30 Reals, et quittons le tohu-bohu du port de Santana pour rejoindre Macapa, avec pour mission première de trouver un cric, le nôtre ayant rendu l'âme. Après la visite de plusieurs magasins, nous finissons par acheter un cric hydraulique de compète. Puis, direction la gare routière. 580 km séparent Macapa d'Oiapoque, la dernière ville brésilienne avant la frontière guyanaise. Sur ces 580km, 100km ne sont pas asphaltés, et nous voulons nous enquérir de l'état de cette piste. On reçoit l'info que la saison des pluies a déjà bien commencé, mais qu'« on va passer », même sans 4x4. Bien qu'il soit déjà 17h00, nous décidons de faire une avancée sur la partie asphaltée. Un petit vent d'euphorie nous balaie lorsque, au soleil se couchant sur le paysage amazonien, nous réalisons le chemin déjà parcouru et à quel point nous sommes proches de boucler la boucle commencée il y a 8 huit mois. Nous nous arrêtons à Ferreira Gomes, sympathique hameau à 140km de Macapa, et trouvons sans peine l'unique pousada du coin qui se paie même le luxe d'avoir internet. Les moustiques nous dévorent aussi vite que nous dévorons un excellent repas de tambaqui, un poisson amazonien, dans l'un des trois restaurants du village. Maintenant, dodo, car demain on a du pain sur la planche !

La route qui nous reste à faire. La piste commence après Calçoene.

La route qui nous reste à faire. La piste commence après Calçoene.

Publié dans Carnet de route, Brésil

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